il rit, l'enfant. il rit comme d'autres pleurent : en silence. l'éclat naît dans les yeux, surprend le visage tout entier et meurt en un souffle. l'instant dure une seconde et s'éteint, c'est un rire éphémère, une parenthèse tendre. presque une illusion.
mais l'enfant rit,
c'est un fait.

à son cou, les pierres précieuses s'entrechoquent. il les connait toutes, il chuchote leurs noms comme mille prières au sens connu de lui seul. autour de son père, il dépose des couleurs comme un peintre (émeraude, améthyste, topaze, saphir, jaspe) - il esquisse la lumière disparue. maman sourit, maman lui a tout appris. lui,
il se tait.
aux jolies filles aussi, il offre des pierres. il espère qu'elles les portent tout contre leur cœur, mais les filles, elles s'en fichent, de ce garçon et de ses cils longs, de son épiderme tacheté et de son regard doux, trop doux. il aimerait bien apprendre à serrer les poings et sortir les crocs, faire comme les grands avec leurs gestes immenses et leurs sourcils froncés. mais il sait pas faire. alors, il caresse les pierres, il les porte à ses lèvres, à son front, il les colle à sa cage thoracique, à son ventre, fort, très fort, comme pour en garder la trace pour toujours,
et il regarde le ciel.
silencieux.
quand on lui sert du "mademoiselle", il hausse les épaules et c'est tout. c'est la faute de sa voix trop petite et des pétales perdues dans la folie de ses boucles parfois, c'est la faute de ses lèvres pleines et de ses membres fins, des os qui transparaissent sous la peau comme pour la déchirer. c'est la faute de son corps de danseuse étoile comme ils disent les autres - mais comment pourrait-il danser, le rythme il le réinvente chaque nuit sous la lune, et s'il saute il s'envole pour toujours c'est certain, l'enfant plume trop léger qu'on voudrait retenir toujours pour que jamais il ne s'en aille tout à fait.

et à ce gosse, il faudrait lui répéter, prends soin de ta peau de fleur, gamin, et peu importent les épines des roses que tu dessines dans tes rêves éveillés, celle qui t'offrira ses nuits, putain, elle regrettera pas, promis, gamin, ni tes mains qui effleurent, ni tes mots qui poétisent, elle aura pas peur, tu sais, de ton âme à fleur de peau et des pierres qui roulent autour de toi, joue pas au grand, tremble encore et tombe peut-être, tout ça c'est toi gamin et t'y peux rien, c'est comme ça, et peut-être qu'il rirait, l'enfant, peut-être qu'il rirait,
comme il pleure,
en silence.