Nola est en fête ce soir.
Ça se sent à des kilomètres à la ronde.

La rumeur dans la foule est épaisse - tous ont sorti leur plus beau costume, leur plus belle robe, leur plus élégante chemise. La nuit est sur le point de tomber - le soleil débute sa descente.
Et il fait chaud. Dans son débardeur, elle lutte - son pantalon taille haute noir et évasé est assez large pour ne pas lui donner l'impression d'étouffer. Il en va de même pour son débardeur d'un rose, très pâle.

C'est pas dans ses habitudes de sortir le soir - ou très rarement. Sa zone de confort lui convient très bien - elle aime bien ses petites habitudes. Rester cloîtrée dans son appartement lui convient - ça lui confère une certaine sécurité. Elle sait que là, elle ne risque rien - au milieu d'inconnus par contre ...

Elle glisse un regard vers la rose. Rayonnante, comme à son habitude - elle pourrait rendre le soleil jaloux. Mais ce soir, il n'y aura pas de place pour quelque rivalité entre eux puisque c'est la lune qui sera témoin de leur sortie nocturne. Nul doute que c'est Rose qui attirera des regards ce soir - elle irradie, elle brille.

Les rues du quartier français sont animées, comme elles le sont d'ordinaire - mais ce soir, c'est une autre énergie qui semble occuper l'atmosphère. L'excitation. L'amusement. L'euphorie.
Si son visage est serein, il suffit de jeter un coup d'oeil à ses ongles qui grattent sa peau pour deviner son appréhension - qu'est-ce qui la retient de faire demi-tour et de rentrer en courant ? Elle n'habite pas si loin. En une dizaine de minute de course, elle serait de retour à la boutique.

Alors qu'est-ce qu'elle attend ?
Vas-y,
cours !

D'un mouvement de main mental, elle balaye ces pensées. Tout est loin derrière elle maintenant - il lui suffit d'un regard vers le petit soleil qui l'accompagne pour voir toutes ses pensées sombres s'évaporer, comme chassées par une lumière brûlante.
Parce qu'elle brûle, Rose - elle brûle de positivité.

La musique arrive finalement à ses oreilles - du jazz, endiablé. La place est remplie de monde - ça la fait tiquer, freiner d'un coup sans prévenir. Elle a l'impression qu'on va la balancer au milieu d'un arène. « Nous y voilà ... » Est-ce de la panique qui monte en elle ? Qui lui donne l'impression qu'elle va vomir son coeur ?

Sûrement.

Elle inspire. Expire. Puis se remet en route - elle rattrape Rose en quelques pas. Ses doigts s'entremêlent, elle tente de sauver les apparences. C'est Rose qui l'a convaincue de venir - et maintenant, sur le fait accompli, elle commençait à se remettre en question.
Evidemment. Ça aurait été trop simple sinon.